Fondation Wikimédia/Directrice générale/Mises à jour/Mise à jour d'août 2024
Bonjour à tous – Cela fait presque trois ans que j’ai commencé à faire connaissance avec beaucoup d’entre vous grâce à une “tournée d’écoute“ de près de 300 personnes qui avait pour but de m’aider à comprendre les besoins actuels et les aspirations futures du mouvement Wikimédia. Quelques mois plus tard, j’ai officiellement rejoint la Fondation Wikimédia en tant que directrice exécutive. Depuis lors, j’ai communiqué régulièrement ici et ailleurs sur ce que j’ai fait et appris. Et à ce jour, j’ai rencontré ou parlé à des milliers d’entre vous à travers le monde.
Alors que certains d’entre nous se rendront à Wikimania la semaine prochaine, je voulais réfléchir à notre situation actuelle, à la fois dans le monde et dans notre mouvement. Je souhaite également partager quelques réflexions sur les choses qui me tiennent en haleine ces jours-ci, ce qui me donne de l’espoir et les domaines dans lesquels j’ai besoin de plus d’aide alors que nous essayons d’avancer ensemble.
Établir des priorités, afficher des résultats
À mon arrivée en 2022, la Fondation Wikimédia a connu une période de transition très difficile. Les changements de direction sont toujours perturbateurs et j’ai dû faire face à une liste croissante de demandes de la part du personnel de la Fondation, des affiliés, des bénévoles et d’autres personnes concernant ce qui devait être modifié, corrigé, ajouté, éliminé, développé ou décentralisé. Il n’y avait pas vraiment d’accord sur aucun de ces points.
J’ai d’abord écouté, puis je me suis mise au travail pour donner la priorité aux efforts de la Fondation dans les domaines qui me semblaient urgents et importants, notamment:
- Transférer davantage de ressources financières aux affiliés et autres entités du mouvement en ralentissant la croissance de la Fondation elle-même;
- Mettre les besoins technologiques des contributeurs et des projets au centre, en tant que priorité absolue pour la Fondation;
- Atteindre et soutenir des communautés mondiales dans de nombreuses autres langues (de 6 à plus de 30);
- Offrir plus de transparence sur les niveaux de dotation en personnel, les informations budgétaires, les politiques de ressources humaines et les salaires des dirigeant(e)s de la Fondation;
- Réunir une équipe de direction compétente, à la fois par le biais de nouveaux recrutements et de promotions internes, qui s’engage à rendre des comptes et s’efforce de montrer l’exemple;
- Changer l’orientation de la Fondation pour avoir une focalisation externe plus explicite sur les tendances technologiques et sociales, les lois et réglementations, les changements de financement et de ressources qui devraient éclairer nos décisions et nos actions;
- Et faire évoluer notre stratégie et notre planification pour les aligner plus étroitement sur l’orientation stratégique et les recommandations du mouvement – plus d’informations à ce sujet ci-dessous.
En un laps de temps relativement court, nous avons réalisé des progrès significatifs en réponse à une série de préoccupations que j’ai rencontrées à mon arrivée. Ce n’est pas la liste complète des améliorations – bien sûr, il reste encore beaucoup à faire et de nombreuses améliorations à apporter. Mais je crois que la Fondation Wikimédia a changé pour le mieux. Certains d’entre vous m’ont fait savoir s’ils étaient d’accord ou non avec cela.
Résolution des énigmes
Et maintenant? En réfléchissant à tous les problèmes auxquels nous sommes confrontés, je reviens sans cesse à ces énigmes car, pour moi, elles restent des questions difficiles qui nécessitent une résolution collective et inventive. Je ne peux pas les résoudre seule, et la Fondation ne peut pas non plus les résoudre de manière isolée.
L'énigme qui me tient en haleine, c'est de savoir si nous fournissons ce dont le monde a besoin de nous, maintenant? Je veux parler davantage de la manière dont nous renforçons les communautés du monde entier face aux risques et aux menaces accrus qui pèsent sur nos populations et nos projets. Parmi ces derniers, on peut citer la lutte contre la désinformation en cette année de super élections, la sophistication croissante des cyberattaques sur nos plateformes, le suivi d'exigences légales complexes dans une liste croissante de juridictions, la réponse aux demandes continues de suppression de contenu sur nos sites, les questions posées dans les nouvelles affaires juridiques que nous plaidons en ce moment, et l'augmentation progressive que je constate dans la gestion des crises et les attaques contre les marques pour un monde plus polarisé.
Ces risques auxquels nous sommes confrontés se reflètent dans des menaces encore plus grandes qui pèsent sur l’écosystème du savoir au sens large. Il s’agit notamment de coupures d’Internet plus fréquentes, de menaces contre les espaces civiques, d’une diminution de la liberté en ligne, d’attaques contre la liberté d’expression, d’une baisse de la confiance du public dans les sources d’information, de menaces accrues contre les droits de l’homme et de l’effet d’amplification de puissants outils d’IA introduits simultanément.
Face à tout cela, un des mandats de notre mission est de “rendre et de conserver les informations utiles issues de [nos] projets disponibles sur Internet gratuitement, à perpétuité“. Qu’est-ce que cela exige de nous, maintenant? Je veux parler davantage de la façon dont nos projets deviennent “multigénérationnels“ pour se maintenir dans cet avenir instable.
Y a-t-il suffisamment de contributeurs, d’administrateurs et d’autres rédacteurs disposant de droits étendus pour créer, réviser et partager la somme de toutes les connaissances humaines? Y a-t-il suffisamment de personnes aux perspectives et aux expériences variées qui lèvent la main pour participer à la création de leurs communautés de projet, de notre mouvement mondial, ou même simplement pour voter aux élections? Pouvons-nous maintenir et accroître la confiance du public dans notre contenu, ainsi que dans notre financement?
Tout cela nécessite que la Fondation continue de se concentrer sur la mise en place de l’infrastructure technique essentielle qui est au cœur de chaque aspect de notre mission. En 2022, j’ai déclaré que même si je ne pouvais pas résoudre l'énigme de l’habilitation technologique toute seule, “je peux assumer la responsabilité du leadership, de la concentration et de la clarté nécessaires pour commencer à combler l’écart entre là où nous sommes et là où nous devons être.” Depuis lors, nous en avons fait une priorité pour toute la Fondation. Nos équipes ont accéléré ce qu’elles peuvent améliorer rapidement et ont nommé les choses qu’elles ne peuvent pas faire seules.
Progresser
Nous progressons. Au cours de l’année dernière, nous avons constaté une augmentation de 25% du nombre de développeurs principaux de MediaWiki. Nos équipes d’ingénierie ont lancé un nouveau centre de données en Amérique du Sud, ce qui réduit les temps de chargement (jusqu’à un tiers de seconde) dans toute la région. Elles ont également mis à niveau l’infrastructure technique de base pour plus de sécurité et de durabilité. Nous avons transformé l’accessibilité sur nos projets avec le mode sombre. Nos stewards ont désormais la possibilité de bloquer des comptes globalement (pas seulement des adresses IP et des plages d’adresses IP). Les patrouilleurs peuvent désormais s’attaquer au vandalisme sur mobile. Les communautés peuvent désormais personnaliser les fonctionnalités des Wikis pour répondre à leurs besoins spécifiques. Les modérateurs peuvent configurer la prévention ou le retrait automatisé des mauvaises modifications en fonction de la notation d’un modèle d’apprentissage automatique.
Nous constatons également des progrès en devenant plus multilingue, pas seulement de nom et en faisant en sorte que davantage de contributions comptent. Un nouveau service de traduction (MinT) prend en charge plus de 200 langues mal desservies, dont 44 avec traduction automatique pour la première fois. MinT devient le deuxième service de traduction le plus utilisé (derrière Google Traduction) pour les projets Wikimédia. Un pilote de croissance en Afrique a expérimenté la croissance de la base de rédacteurs actifs en Afrique subsaharienne. Les premiers résultats montrent que les participants formés aux politiques de base de Wikipédia ont connu une diminution de 38% du taux de retour en arrière après 48 heures sur Wikipédia en anglais à 6 mois. De plus, dans le cadre d'un nouveau projet visant à créer des outils guidant les nouveaux rédacteurs pour contribuer conformément aux politiques de leurs Wikis locales, nous avons introduit "References Check". Grâce à cet outil, plus de 42% des nouvelles modifications de contenu ont ajouté des références et n'ont pas été annulées après 48 heures.
La Fondation a travaillé pour se conformer à de nouvelles réglementations importantes comme la loi sur les services numériques de l’Union européenne, où la Fondation Wikimédia était la seule organisation à but non lucratif à être classée comme une “très grande plateforme en ligne” (VLOP) aux côtés des principales grandes plateformes technologiques. Une équipe de désinformation a créé ce référentiel pour cartographier les efforts bénévoles visant à promouvoir des informations fiables et à lutter contre la désinformation. De nombreuses autres équipes de la Fondation ont obtenu des résultats sur plusieurs autres engagements.
Des sujets difficiles à traiter, qui n’ont parfois pas été abordés par la Fondation, ont été moins visibles, probablement parce qu’il n’avaient pas de réponse satisfaisante. Des décisions difficiles et impopulaires doivent être prises, et nous apprenons encore à les prendre ensemble. Parmi celles-ci, on peut citer: Comment faire évoluer nos systèmes pour continuer à développer Wikipédia en tant qu’infrastructure essentielle pour Internet tout en répondant aux besoins variés des projets plus petits? Comment faire face aux réalités d’un Internet de plus en plus fragmenté, de moins en moins open source et de moins en moins libre? Comment faire les bons choix collectifs pour l’avenir de Wikimédia alors que l’IA générative perturbe le trafic Web axé sur la recherche sur lequel nous comptons depuis des décennies?
Je me réveille chaque jour en pensant à toutes les choses difficiles comme celle-ci que nous devons résoudre ensemble: Protéger nos collaborateurs et nos projets d'une liste désormais beaucoup plus longue d'attaques et de menaces sophistiquées, respecter (ou s'opposer à) une liste désormais beaucoup plus longue de lois, de réglementations et d'exigences légales; prendre les meilleures mesures possibles maintenant pour soutenir les projets Wikimédia pour les générations à venir dans un Internet en changement.
Des progrès également dans notre gouvernance
Avec tous ces besoins dans le monde, j’espère que la gouvernance de notre mouvement ne deviendra pas un casse-tête impossible. Beaucoup sont frustrés par l’avenir de la charte, et par la décision de la Fondation de ne pas ratifier la version actuelle. Je ne peux pas résoudre cette frustration ou cette confusion ici, mais je peux partager mes points de vue sur ce qui pourrait nous aider à aller de l’avant.
Quand je suis arrivée, quelques-unes de mes opinions et questions étaient:
“Très tôt, j'ai demandé de l’aide pour en savoir plus sur les piliers fondateurs des projets Wikimédia, sur les valeurs organisationnelles de la Fondation Wikimédia, et sur ce qui a conduit aux succès et aux échecs antérieurs tout au long de nos 20 ans d'existence. Il est ressort une énigme circulaire sur la meilleure façon de diriger et de gérer les institutions centralisées d’un mouvement décentralisé, dirigé par des bénévoles?
Cette question est posée de différentes manières: Est-ce que la Fondation Wikimédia est plutôt une organisation de développement à but non lucratif ou une entreprise technologique? Quel est le rôle des entités affiliées comme les chapitres ou les groupes d’utilisateurs? Comment comptabilisons-nous la majorité des bénévoles ‘non affiliés’ qui soutiennent nos projets?
Ces questions se superposent ensuite aux points de vue sur le pouvoir et la relation de confiance entre les acteurs du mouvement, y compris (mais pas seulement) la Fondation et les communautés. Comment les décisions doivent-elles être prises? Comment les ressources doivent-elles être partagées? D’après mon expérience, ces débats sont familiers à de nombreux mouvements sociaux dirigés par des bénévoles à travers le monde.
Dans notre contexte, j’apprends que certaines dynamiques sont liées aux valeurs fondamentales, à la structure et au partage du pouvoir: “Nous fonctionnons selon la tyrannie de la majorité – le consensus – ce n’est pas suffisant” “La transparence est un outil, pas une valeur. Quel est le but final de la transparence – pour établir la confiance ou à quelle fin?” “Ce sont les capacités qui comptent, pas les ressources. Nous sommes des volontaires – nous donner de l’argent ne nous donne pas du temps.”
D'autres problèmes concernent la performance et l'exécution: “Trop d'attention est portée à la gouvernance, pas assez à l'autonomisation des personnes et des projets.” “Quel est l'objectif de la Fondation Wikimédia aujourd'hui? C'est totalement flou.” “Nous ne sommes jamais prêts à éteindre des choses, à tout arrêter ou à cesser de faire quoi que ce soit.”
L'énigme est de savoir comment construire une convergence entre nos formes d’organisation divergentes et soutenir notre stratégie de mouvement. Comment pouvons-nous nous appuyer sur des piliers et des principes similaires même si nos organisations ne peuvent pas être gérées comme nos projets? Comment notre diversité (sous toutes ses formes possibles) peut-elle rester le catalyseur de ce qu’il faut pour créer – et pas seulement imaginer – un monde dans lequel chaque être humain peut partager librement la somme de toutes les connaissances humaines?”
Je constate que des sentiments similaires se font entendre dans les commentaires soumis lors du vote de ratification de la charte. Pour moi, cette dynamique est susceptible de rester une caractéristique de tout mouvement global de grande envergure, diversifié et divergent. Pourtant, ce mouvement a fixé des objectifs communs que nous avons tous l’obligation de mettre en œuvre efficacement.
La Fondation reste attachée à l'idée d'avoir une charte pour le mouvement Wikimédia. Mon expérience antérieure avec d'autres mouvements dirigés par des bénévoles est que nous avons besoin de plus de clarté que nous n'en avons actuellement dans les discussions sur la façon de partager et de déléguer les responsabilités, et pas seulement le pouvoir. La Fondation a présenté cette proposition ouverte de co-créer des expériences pratiques et limitées dans le temps qui sont destinées à représenter une rupture avec le passé. Il s'agit d'un effort de bonne foi pour travailler sur les aspects pratiques du transfert de la responsabilité et de la prise de décision à des conseils représentatifs et à des organismes dirigés par des bénévoles. Vos questions, suggestions et commentaires sur Méta contribueront à rendre le résultat plus positif.
Nous avons également demandé des propositions sur la manière de faire progresser les discussions sur une prochaine version d’une charte, en tenant compte des défis rencontrés dans ce processus et de la nécessité de la modifier à l’avenir, des réserves exprimées par le Conseil d'administration et des contributions soumises lors du vote de ratification.
Avant même ce vote, la Fondation avait elle-même identifié les domaines de responsabilité qui devraient être transférés de manière responsable à d’autres acteurs. Nous avons mis cette intention à exécution, notamment en déléguant la mise en œuvre des programmes d'éducation à des affiliés et à d’autres acteurs. Grâce à cela, nous apprenons que même à une plus petite échelle, l’équité dans la prise de décision nécessite que plusieurs parties prenantes s’entendent sur la stratégie, la gouvernance, le financement, les opérations, la dotation en personnel, les communications, la gestion des risques et sur la partie qui assume la responsabilité finale en fin de compte.
Certains d’entre vous ont participé à une session que j’ai organisée lors du Sommet Wikimédia de cette année pour demander ce que la Fondation devrait arrêter de faire ou confier à d’autres acteurs. Bien qu’aucune proposition spécifique n’ait été faite, c’est une discussion que nous avons l’intention de poursuivre. Nous avons besoin de plus de clarté, et non de moins, sur les rôles et les responsabilités au sein de notre mouvement – cela a été et reste une priorité pour moi et pour le conseil d’administration, que je considère comme profondément engagé dans la mission de Wikimédia et les communautés mondiales.
Là où j’ai besoin d’aide est la question de comment progresser dans ma réalité de gestion d’une organisation beaucoup plus grande, hautement réglementée, plus décentralisée et extrêmement complexe comme l’est aujourd’hui la Fondation Wikimédia. Je crois personnellement qu’il est possible de changer presque tout ce que nous voulons au sein de la Fondation – avec une compréhension claire, informée et réaliste des compromis pratiques et des conséquences concrètes de ces changements.
Je suis convaincue que les contributions apportées à la proposition ouverte de la Fondation ainsi que les discussions de la semaine prochaine pour ceux qui participeront à Wikimania nous aideront à trouver ensemble une voie plus claire pour l'avenir.
Optimisme rationnel
Ces questions de gouvernance peuvent décourager certains d’entre vous en ce moment. Ce n’est pas mon cas. Je sais que nous pouvons les résoudre… et que nous pourrons tirer le meilleur parti de nos valeurs et de notre humanité.
Il y a une seconde, les gens du monde entier ont consulté Wikipédia 5 500 fois. Notre portée est considérable. Je constate, grâce à nos lecteurs, donateurs, partenaires et alliés, que ce que nous faisons est plus que jamais nécessaire. Je constate que nos valeurs continuent d'unir les gens partout dans le monde. Je constate que nous pouvons travailler avec d'autres pour faire progresser nos engagements en faveur de l'équité.
Dans les moments difficiles, cette communauté mondiale trouve toujours sa voie. C’est ce que le mouvement Wikimédia fait depuis près de 25 ans, malgré les critiques, les opposants et les sceptiques. Nous y parvenons en supposant que nous sommes de bonne foi, en nous engageant avec respect et civilité, en exprimant notre reconnaissance et en discutant de nos désaccords. Et surtout, en nous soutenant mutuellement maintenant que le monde compte vraiment sur nous.
Je vous invite à me faire part de vos réflexions et de vos contributions sur Wiki sur la voie à suivre. Vous pouvez me contacter sur l'adresse miskanderwikimedia.org ou sur ma page de discussion ou en vous inscrivant à une conversation avec moi et d'autres dirigeants et membres du conseil d'administration de la Fondation sur Discussion:2024.
Maryana
Maryana Iskander
Directrice générale de la Fondation Wikimédia