Grants:Impact/Cultural Heritage/Atikamekw/fr
- Program: Project & Event Grants, Simple Annual Plan Grants, Rapid Grants
- Fiscal year: 2015 to present
“ | Dans toutes les maisons, nous parlons l’atikamekw | ” |
— Thérèse Ottawa, Atikamekw Nehirowisiw |
Le patrimoine dans sa définition la plus simple est quelque chose qui vient du passé. En tant que tel, le patrimoine est aussi un processus de sélection : quelles traditions, valeurs ou mots « survivront » et seront transmis, et lesquels ne le seront pas ? Chaque société s'engage dans ce processus, mais pour certaines communautés, les dynamiques politiques, économiques et sociales ont usurpé, interrompu ou inhibé ce processus de sélection.
Comme c'est le cas pour de nombreuses communautés autochtones, c'est le cas des Premières Nations du Canada.
“ | [Le système des pensionnats] a créé une brèche dans les processus locaux de transmission des connaissances, des compétences et des pratiques aux jeunes générations | ” |
— Sylvie Poirier[1] |
Durant les années de colonisation - avec les conséquences des politiques de colonisation - ont placé les Premières Nations canadiennes en marge de la société, créant des conditions dans lesquelles la transmission des connaissances intergénérationnelles a été retardée. L'une des raisons en était le système des pensionnats canadiens : des années 1960 aux années 1980, le gouvernement canadien a envoyé une génération d'enfants dans des pensionnats loin de chez eux, où les pratiques culturelles étaient interdites, comme parler dans leur langue maternelle[2] [3].
“ | Je veux me débarrasser du problème indien. En fait, je ne pense pas que le pays doive continuellement protéger une catégorie de personnes capables de se tenir seules... Notre objectif est de continuer jusqu'à ce qu'il n'y ait pas un seul Indien au Canada qui n'ait pas été absorbé dans le corps politique et il n'y a pas de question indienne, et pas de département des Indiens, c'est tout l'objet de ce projet de loi. | ” |
— Duncan Campbell Scott CMG, surintendant adjoint du ministère des Affaires indiennes au Canada de 1913 à 1932[4] |
Une des communautés affectées sont les Atikamekw Nehirowisiw situés au centre du Québec. À la différence des autres communautés, aujourd’hui environ 95% des Atikamekw parlent encore leur langue malgré les barrières structurelles créées par la colonisation. Mais la préservation et la transmission de leur héritage sont devenues difficiles dans cette société de l’information en mutation rapide, où la priorité est donnée à la langue française ou anglaise et aux mots écrits. Pour une communauté ayant une tradition orale du savoir, notre monde en rapide mutation n’est pas inclusif. Ceci est d’autant plus vrai quand il s’agit de travail en ligne, où les possibilités de chercher ou lire l’atikamekw sont pratiquement inexistantes.
“ | Pour les jeunes, le style de vie a changé. Avec les nouvelles technologies, ils ne veulent plus aller dans les bois et la culture se perd. Il y des conflits générationnels. Ils n’écoutent plus leurs ainés. Le vieux et le jeune ne se comprennent plus. | ” |
— Therese Ottawa, Atikamekw Nehirowisiw |
Une façon dont les atikamekw ont cherché à réduire la fracture générationnelle est au travers d’une collaboration avec Wikimédia Canada. Lancé en 2013 par l’école Otapi et financé en 2016 par le programme de bourses de la Wikimedia Foundation, ce projet a rassemblé aînés et jeunes pour documenter leur héritage. Ils ont pris des photos, enregistré des sons (grâce à Lingua Libre) et écrit leur savoir.
En 2017, ce travail a abouti au lancement de leur propre Wikipédia: Atikamekw Wikipedia.
Durant ce programme, les aînés atikamekw ont été en charge de prendre des décisions au sujet de leur culture et de leur langage. Par exemple, les anciens ont eu à créer de nouveaux mots pour des concepts tels que “catégorie” ou “importation de fichier” qui sont communs dans les wikipédias et autres sites web mais qui n’existaient pas dans la langue atikamekw. Jeannette Coocoo, une aînée du village Wemontaci, a passé un nombre incalculable d’heures dans ce processus créatif et maintenant, à partir de ce travail, il existe "Natcipata masinahikan" pour “importer un fichier”.
Les aînés ont aussi été en charge de sélectionner le savoir qui serait partagé avec le reste du monde, et celui qui resterait sacré. Ce fut un élément incroyablement important du programme, et une transformation dramatique de l’histoire où le savoir autochtone était pris de force, exploité, renié, ou blasphémé.
En respectant les décisions des aînés, la communauté a pu conserver son “intimité collective” de certains savoirs. Certaines connaissances sont du “savoir commun”, et peuvent être partagées largement, mais certaines choses sont “sacrées”, ou “spécifiques”, et ne devraient être sues que par une certaine famille ou communauté (i.e. artisanat, propriétés médicales de plantes, spiritualité et rituels). En laissant les aînés en charge de ces décisions, le programme - et ainsi la Wikipédia Atikamekw - a développé une façon respectueuse de partager le savoir.
“ | Créer leur propre encyclopédie leur a donné les moyens d’adapter l’outil à leur propre système de connaissance. Ils avaient le pouvoir de définir les règles. | ” |
— Jean-Philippe Béland, Wikimédia Canada |
Tout ce travail est au service du plan stratégique pour 2020 du Conseil des Atikamekw de Manawan. Le travail sur Wikipédia et avec Wikimédia Canada est juste une étape parmis tous les efforts du conseil, ceux-ci qui ont pour buts, entre autres, de “Renforcer le sentiment de fierté atikamekw et son image positive à l’intérieur et à l’extérieur de la communauté; promouvoir l’identité, la langue et la culture.”
Mais des barrières existent encore. La majorité des informations en ligne au sujet des Atikamekw n’est ni écrite ni revue par les Atikamekw. Des touristes prennent des photos d’ordures, et c’est l’image que le monde voit de la communauté. Le spectre des écoles résidentielles est toujours présent : les écoles n’étaient historiquement pas des endroits où apprendre, se connecter, et enseigner l’héritage culturel en sécurité.
“ | Les Atikamekw ont été marqué par l’histoire des écoles résidentielles, où les rites de leur culture et toutes autres formes de démonstration culturelle étaient interdits. Dans la communauté il existe un réel défi à réconcilier le passé avec la modernité. Pour cette raison, les relations entre les Atikamekw et l’école, l’école étant une institution du savoir, sont délicates, à cause de ce qui s’est passé historiquement. Donc un projet qui rassemble les plus jeunes et les plus vieux est une opportunité et peut aussi aider à restaurer une fierté, fierté culturelle, fierté d’appartenance à une communauté pour la jeunesse. | ” |
— Nathalie Casemajor, Institut national de la recherche scientifique |
Malgré ces barrières et grâce au programme d’éducation de l’école secondaire Otapi de Manawan, il y a des prémisses d’une restauration de la fierté de la jeunesse attikamek. Encadrés par Luc Patin (User:Bilbo40, le professeur d’informatique) et Jean-Paul Echaquan (le gardien de la langue de la communauté), les étudiants ont appris à ajouter de l’information à la Wikipédia Atikamekw en atikamekw. L’acte même d’écrire en ligne dans leur propre langue, d’écrire sur leur communauté, et de faire grossir l’encyclopédie de leur communauté ont été autant de petits pas vers une restauration de leur fierté.
“ | Avant ce projet, la jeunesse atikamekw pensait qu’il n’était pas important de parler l’atikamekw. Les jeunes tapaient en français ou en anglais pour chercher des informations en ligne, pas en atikamekw. Les jeunes atikamekw pensaient que parler l’atikamekw était ringard, car il n’y avait pas d’avenir pour leur langue. [Grâce à ce projet] la jeunesse peut trouver ses propres mots maintenant, il y a de la fierté et de la modernité dans le projet. | ” |
— Jean-Philippe Béland, Wikimédia Canada |
Le chemin vers “l’intégralité des connaissances humaines” n’est pas uniforme. Il faudra du temps pour construire une relation de confiance avec les communautés marginalisées, reconnaître l’oppression historique et ses effets à long terme. Il faudra respecter et honorer leurs méthodes de partage de la connaissance. Et il faudra que ces efforts soient durables. La collaboration entre Wikimédia Canada et les Atikamekw Nehirowisiw est un progrès, mais plus doit encore être fait mondialement pour que Wikimédia achève sa vision.
“ | Ce projet est important pour conserver la langue et la culture. La langue du territoire. | ” |
— Thérèse Ottawa, Atikamekw Nehirowisiw |
Maintenant que vous avez lu cette étude de cas, veuillez considérer la question:
References
[edit]- ↑ Poirier, Sylvie. 2004. "The Atikamekw: Reflections on Their Changing World." In Native peoples : the Canadian experience, edited by R. Bruce Morrison and C. Roderick Wilson., 129-150. Toronto: Oxford University Press.
- ↑ Poirier, Sylvie. 2010. "Change, Resistance, Accommodation and Engagement in Indigenous Contexts: A Comparative (Canada–Australia) Perspective." Anthropological Forum 20 (1):41-60.
- ↑ Jérôme, Laurent. 2010. "Jeunesse, musique et rituels chez les Atikamekw (Haute-Mauricie, Québec): ethnographie d'un processus d'affirmations identitaire et culturelle en milieu autochtone." Thèse doctorale, Université Laval.
- ↑ Primary Source:Residential Schools. National Archives of Canada, Record Group 10, vol 6810, file 470-2-3, vol 7, pp. 55 (L-3) and 63 (N-3). Retrieved September 23,2015.